Avigdor Arikha,
Images du royaume des morts
Dessins d’enfance faits en déportation, 1942-1943
Dans l’œuvre abondante d’Avigdor Arikha, l’un des plus grands peintres et graveurs de la deuxième moitié du XXe siècle, il est une part inconnue, longtemps enfouie dans sa mémoire et dans un carton de son appartement-atelier parisien.
Sur quelques fragiles feuilles de papier jauni par le temps, des dessins griffonnés par un garçon tout juste sorti de l’enfance. Œuvres de jeunesse ? Mais quelle jeunesse ? Celle d’un petit garçon juif qui, à 10 ans, pris dans les horreurs de la guerre et de l’antisémitisme fuit sur les routes avec sa famille, voit son père mourir sous les coups, est arrêté et interné au camp de Mogilev (Ukraine actuelle) avec sa mère et sa sœur en 1942.
Et là, dans l’inhumanité de l’univers concentrationnaire, un geste, celui d’un gardien roumain qui lui donne un crayon et quelques feuilles de papier. Alors, il dessine l’indicible, les souffrances, la mort, la vie en-deçà de la vie.
Fin 1943, des représentants de la Croix-Rouge internationale qui visitent le camp pour négocier la libération d’enfants, voient les dessins du jeune Avigdor. En mars 1944, avec sa sœur, il fait partie des 1 400 enfants libérés. Au terme d’un interminable voyage, il est envoyé en Palestine. Il ne reverra sa mère que 14 ans plus tard et retrouvera un jour ces dessins d’une autre vie. Longtemps, il ne pourra les regarder.
Anne Arikha a accepté que ces dessins conservés dans les affaires personnelles de son mari décédé en 2010 soient exposés pour la première fois au public. Pour ces images venues du fond de la nuit, elle a choisi le Lieu de Mémoire, lieu-souvenir de nombreux réfugiés sauvés de la déportation par l’action des habitants du Plateau, Justes et anonymes.
L’exposition s’organise en trois parties : L’Errance – La Déportation – La Vie et la Mort dans le camp
Du 12 juin au 12 septembre 2014, le Lieu de mémoire présente 16 de ces dessins
EXPOSITION PROLONGÉE JUSQU’AU 21 septembre 2014
Avant-première : mercredi 11 juin à 19h – Jean Clair, de l’Académie française, évoquera sa rencontre avec l’artiste et sa place dans l’histoire de l’art du XXe siècle.